« Je ne réponds pas d’avoir du goût, mais j’ai le dégoût très sûr. » Jules Renard

Les émotions primaires (appelées aussi fondamentales) ont toutes en commun d’être innées, c’est-à-dire de faire partie de notre identité d’humains quels que soit notre âge, notre sexe et notre culture. Ce sont des réflexes qui chacun à leur manière, ont pour rôles de garantir notre survie au sein de notre environnement. Alors heureusement que l’Homme est émotif pour se protéger des dangers !

Quand Jules Renard nous dit avoir « le dégoût très sûr », cela revient à se demander : qu’ y a-t-il de plus certain qu’une réaction automatique ? C’est ainsi que cette citation nous amène d’autant plus à considérer le dégoût comme faisant partie de nos émotions primaires.

Si nous sommes désormais de plus en plus familiers avec les émotions et l’idée qu’elles puissent garantir notre survie, nous pouvons avoir des difficultés à les reconnaître puis à les comprendre…

Alors « haut le cœur » ! C’est au tour du dégoût de passer au rayon X pour identifier ce qu’il crée en nous et quel serait son rôle.

COMPRENDRE ET IDENTIFIER LES MANIFESTATIONS PHYSIQUES DU DÉGOÛT :

 

Le dégoût a lui aussi, comme c’est le cas pour chacune de nos émotions primaires, son lot de réactions et de changements au niveau physique et physiologique lui permettant de faire face à son environnement. Ainsi voyons comment celui-ci se manifeste.

A – ZOOM SUR SON VISAGE :

 Manifestations du dégoût sur le visage

 

B – ZOOM SUR SON CORPS :

Zones activées ou sous activées dans le dégoût

(De gauche à droite : dégoût – honte – mépris)

Nous revoilà avec l’équipe du Dr Lauri Nummenmaa (de la faculté des sciences d’Aalto en Finlande) qui, grâce à sa carte corporelle des émotions, nous permet de mieux visualiser comment chacune d’elles agissent sur nous.

Rappelons que dans un premier temps c’est le cerveau qui va recevoir et traiter l’information.
Puis en fonction de l’émotion, le cerveau va libérer des hormones qui vont activer nos systèmes nerveux autonomes. Comme ces systèmes sont autonomes, c’est-à-dire qu’ils s’activent sans que nous en ayons conscience, cela nous permet d’autant plus de qualifier les émotions comme étant des réflexes et non comme quelque chose que l’on pourrait décider.

Dans ces systèmes nerveux autonomes nous retrouvons le système sympathique, qui a plus un rôle « d’accélérateur » dans le corps, ainsi que le système parasympathique qui quant à lui va « canaliser » ou freiner certaines fonctions de l’organisme. Ces deux systèmes fonctionnent de pair et permettent au corps de rétablir une forme d’équilibre, quel que soit le changement qui est en train de s’opérer, comme c’est le cas dans nos émotions !

Dans le cas du dégoût nous pouvons voir sur l’image que c’est essentiellement le haut du corps qui est en action.

Grâce au système parasympathique nous pouvons observer un ralentissement de la fréquence cardiaque.

Nous pouvons également retrouver des réactions de « fermeture des sens ».

Ce que j’appelle « fermeture des sens » c’est ce que l’on peut, par exemple, observer sur le visage avec le plissement des yeux qui peut nous amener à les fermer pour ne plus voir l’objet de notre dégoût.
Idem avec le nez qui se fronce comme pour bloquer l’entrée d’une odeur nauséabonde, etc.

Nous essayons alors de ne pas laisser passer, entrer, ou avoir de contact avec l’objet de notre dégoût dans ou sur notre organisme (notamment par la peau).

Grâce au système sympathique le corps va concentrer beaucoup d’énergie au niveau du système digestif. En effet : le dégoût provoque surtout des sensations au niveau gastro-intestinal et au niveau de la gorge, avec les nausées ou l’envie de vomir.

Le système digestif a pour fonction de digérer en faisant le tri pour séparer le pur de l’impur.
Pour schématiser, nous avons dans ce système deux binômes :

  • Rate/estomac : ces organes interviennent dans tous les mécanismes du transit des aliments par le tube digestif , donc pour faire le tri entre ce qui rentre – ou non – dans l’organisme.
  • Vésicule bilaire/foie : interviennent dans le processus de digestion une fois que les aliments sont passés. Ceci notamment grâce à la bile stockée dans la vésicule (aussi appelée « viscère de la pureté »).

Ainsi dans le dégoût c’est tout le système de digestion qui va être mobilisé ou touché, et bien sûr par extension : la peau (elle est directement reliée au système digestif) !

***

Sur la carte corporelle des émotions vous avez pu voir, en plus du dégoût que nous venons de détailler, l’émotion de la honte et celle du mépris. Ces dernières sont qualifiées d’émotions mixtes, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un mélange entre deux émotions primaires.

En l’occurrence pour la honte il s’agirait du mélange du dégoût et de la peur.
Pour le mépris on additionne dégoût et joie.
Et par le même principe si l’on fusionne tristesse et dégoût nous allons retrouver les remords.

Pour mieux comprendre ces émotions mixtes vous pouvez relire individuellement chacune des émotions primaires que nous avons déjà étudiées.

 QUEL EST SON RÔLE ? SON MESSAGE ?

Pour aller plus loin dans notre analyse, arrêtons-nous rapidement sur le sens du mot dégoût.

Pour l’étymologie nous avons :

  • Le préfixe « de- » (qui donne à un mot son sens opposé)
  • Et goût, qui vient du latin « gustus » :  « action de goûter, dégustation; saveur (au sens propre et figuré) ».  Gustus en Grec = gush, « aimer, trouver bon ».

Ainsi pour Darwin : « le mot dégoût, dans son acception la plus simple, s’applique à toute sensation qui offense le sens du goût. Il est curieux de voir combien ce sentiment est provoqué avec facilité par tout ce qui sort de nos habitudes, dans l’aspect, l’odeur, la nature de notre nourriture ».

Aujourd’hui nous retrouvons dans le dictionnaire deux sens au mot dégoût :

  • Sensation d’écœurement, haut-le-cœur provoqué par quelque chose qui dégoûte.
  • Sentiment d’aversion, de répulsion, provoqué par quelqu’un, quelque chose ; fait d’être dégoûté, de ne plus avoir de goût pour quelque chose, d’intérêt, d’attachement ou d’estime pour quelqu’un.

 A – QU’EST CE QUI DÉCLENCHE LE DÉGOÛT ?

Grâce à ce que nous avons vu dans les définitions, il nous faut dans un premier temps faire la distinction entre deux formes de dégoût. Pour cela nous reprendrons cette idée de primaire et de secondaire, termes que nous avons déjà utilisés avec les émotions traitées précédemment (en référence à la pyramide des besoins de Maslow).

Et pour que nous soyons tous au clair sur l’utilisation et le sens de ces mots, nous parlerons de :

  • Dégoût primaire : pour tout ce qui se rapporte à notre corps.
  • Dégoût secondaire : pour tout ce qui va toucher à l’identité/au psychisme.

Le dégoût primaire :

Il se déclenche par tout contact avec, par exemple, des aliments périmés, des détritus, des excréments, certains animaux ou insectes que l’on associe culturellement à la saleté (comme les cafards, les rats, etc). Il s’agit du dégoût le plus classique, mais il ne se résume pas seulement à cela.

Comme nous l’avons exprimé, le dégoût primaire se rattache à notre corps entier.

Ainsi, nous exprimons également du dégoût face à toutes violations ou déformations de notre enveloppe corporelle (exemple : les blessures, le poids, les malformations, etc.) ainsi que face à certains stimuli se rapportant au sexe ou à la mort.

Le dégoût secondaire :

Ici nous pouvons retrouver le dégoût interpersonnel, autrement dit des autres, qui serait provoqué par la rencontre/contact avec des inconnus, des personnes malades, malchanceuses ou jugées comme immorales (selon notre perception). Ce dégoût secondaire comprend aussi le dégoût socio-moral qui prendrait son origine dans tout acte immoral (perçu comme socialement et moralement inacceptable).

Source : « Ça me dégoûte », « Tu me dégoûtes » : déterminants et conséquences du dégoût physique et moral.

B – QUEL EST SON BESOIN ET DE QUOI PROTÈGE T IL ?

Grâce au dégoût primaire nos ancêtres et même nous-même pouvons-nous protéger de diverses maladies ou infections dû à l’absorption ou le contact avec un aliment qui n’est pas bon pour nous.

Cela peut être quelque chose qui se mange ou qui se boit (la version la plus « classique » du dégoût) – mais comme le dégoût primaire est relatif à tout notre corps – cela peut aussi se rapporter, comme nous l’avons vu, à toutes intrusions ou  distorsions de celui-ci.

L’émotion du dégoût est donc là pour rejeter ou nous éloigner de toute forme de contact avec quelque chose ou quelqu’un qui menaceraient l’existence ou du moins la santé de notre corps.

Ainsi le dégoût primaire agit comme un mécanisme de défense qui garantirait et nous permettrait de préserver notre identité physique.

Du même principe le dégoût secondaire nous invite à nous éloigner ou rejeter ce que nous jugeons comme pas « bon » pour nous et qui pourrait menacer notre identité psychique.

Mais, en quoi ces gens, situation etc… nous menacent-ils vraiment ? Et si nous nous sentons menacé(e)s, pourquoi ressentons-nous du dégoût et non de la peur ? (bah oui bonne question !).

Il est vrai que nous pouvons facilement comprendre que l’on ressente du dégoût par quelque chose que l’on ne trouve pas bon ou pas bien, que ce soit au sens propre comme au figuré (ou plus schématiquement : « bien pour notre corps » et/ou « bien pour notre système de valeurs » – et dans ce cas, bien pour notre psychisme).

Mais qu’en est-il lorsque nous ressentons du dégoût pour quelque chose ou quelqu’un qu’habituellement on ne rejette pas ? (exemple : indigestion ? ou, moins facile, du dégoût pour le(s) comportement(s) d’un parent, d’un(e) ami(e), …) ?

Et bien il faut jouer avec les mots !

Dans le dégoût nous retrouvons certes cette question de « bon ou pas bon » (bien ou pas bien), mais en somme il s’agit de quelque chose que l’on ne peut pas assimiler ! D’ou ces réactions physiques de rejet par les nausées, ou plus si affinités…

Ce mot « assimiler » est bien sûr lié au fait d’ingérer, de digérer, et/ou d’accepter (ou pas) quelque chose.
Mais ce terme a aussi un autre sens : celui d’être lié, rattaché, confondu avec, rendu semblable à. (« je ne veux pas que l’on m’assimile à ça »).

Ainsi, cela permet de nous expliquer pourquoi nous pouvons éprouver des sensations de dégoût dans telles ou telles situations, face à tels ou tels comportements etc.

Il ne s’agit donc pas de la même menace que dans la peur : et c’est pour cette raison que nous ne l’éprouvons pas ici.

Le dégoût est un moyen de nous éloigner et de rejeter tout ce avec quoi nous ne voulons pas être associé(e) ou confondu(e), pour nous permettre de préserver notre identité – à nous !

Et comme nous sommes logiques : plus nous nous éloignons de quelque chose, plus nous tendons à nous rapprocher d’autre chose, non ?

Ainsi grâce à ce mécanisme de défense, le dégoût va lui aussi nous guider vers la satisfaction de nos besoins. En tout cas, il va nous permettre de nous tourner vers quelque chose ou quelqu’un qui ne nous dégoûtera pas ;). Bien sûr, c’est le cas avec chacune de nos émotions : « protéger + satisfaire nos besoins = survivre ».

Vous me direz (« rez ! ») que l’émotion de dégoût est donc assez vaste et que même si les émotions sont universelles, elles restent très individuelles et personnelles car nous ne les éprouvons pas tous au même moment ou pour les mêmes raisons.

Le dégoût des uns n’est pas forcément le dégoût des autres. Il va bien évidement dépendre de notre histoire, de nos expériences etc…

C’est en cela que l’identification, la compréhension et l’acceptation de nos « et-moi-tions » demande un travail personnel, qui peut être accompagné par un (ou plusieurs) professionnel(s) de santé.

Dans cette optique, le cabinet Terre Happy reste à votre écoute, à distance ou sur Lyon 1er.