Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! « 

Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »  Pierre RABHI

            Que l’on soit enfant ou non, scolarisé(e) ou non, dans le milieu scolaire (professeurs, personnel encadrant, administratif etc…) ou non, parent ou non : la problématique du harcèlement scolaire nous concerne tous.

En effet, même si nous ne sommes pas pris et touché directement par l’engrenage du harcèlement, en parler est une porte d’entrée qui nous amène à réfléchir. Cela nous renvoi à la personne que nous étions, la personne que nous sommes et celle en devenir. De même, cela nous amène à nous questionner sur nos positions, nos souffrances et ce quelque soit notre âge ou notre situation actuelle.

Gardez en tête qu’en écrivant cet article je suis dans la même approche que vous et que celui-ci n’a donc pas pour vocation d’incriminer, de victimiser, de culpabiliser quiconque le lirait. Dans le même esprit il ne s’agit pas de porter un jugement (donc ni positif, ni négatif) sur quoi que ce soit.

Celui-ci vient principalement de la volonté d’informer et de parler de ce phénomène de société, afin de le rapprocher le plus possible de notre situation actuelle pour mieux nous connaître nous comprendre et trouver des réponses et solutions adaptées à chacun.

Pour cela et afin que l’on soit tous sur les mêmes ondes de compréhension, il me paraît indispensable de définir les contours du harcèlement pour ensuite comprendre les possibilités d’action.

LE PHÉNOMÈNE DU HARCÈLEMENT SCOLAIRE EN QUELQUES LIGNES 

LES CARACTÉRISTIQUES : 

Trois caractéristiques nous permettent de parler d’une situation de harcèlement :

  • La violence
  • La répétition
  • L’isolement

Ces trois caractéristiques nous permettent de pouvoir définir le terme de harcèlement et ce sont celles qui seront retenues au niveau pénal. Autrement dit, si nous n’avons pas la combinaison de ces trois éléments nous ne pouvons pas parler de harcèlement. Cependant et, bien évidement, chacune de ces caractéristiques prises indépendamment ne sont pour autant pas sans conséquences. La violence qu’elle soit présente dans le harcèlement ou non, est déjà à elle seule considérée comme un délit. L’isolement que l’on peut aussi comprendre avec le terme de dépression n’est pas non plus à négliger etc.

Revenons sur ces termes :

              LA VIOLENCE 

C’est un rapport de force utilisé pour asseoir une certaine domination à l’égard de quelqu’un. Il existe plusieurs formes de violence et chacune d’elle est tout aussi destructrice pour un individu.

Voici la liste :

  • La violence verbale:

Cette forme de violence englobe les paroles ou intonations visant à rabaisser quelqu’un. Elle peut être représentée par les cris, les insultes, les brimades etc.

  • La violence symbolique aussi appelée morale, psychologique ou émotionnelle:

Beaucoup de termes différents pour parler de cette forme de violence mais finalement il en revient au même. Ce sont toutes les attitudes et comportements dénigrants vis-à-vis d’une personne. Dedans nous retrouvons le rejet, la mise à l’écart, la négligence, la manipulation etc.

  • La violence sexuelle:

Celle-ci se représente par le fait d’imposer à quelqu’un des choses sexualisées ou sexuelles. Embrasser, toucher, déshabiller quelqu’un contre sa volonté, lui montrer des images pornographique etc. Cela englobe tous les gestes et/ou réflexions à insinuation ou caractère sexuel contre le consentement d’une personne.

  • La violence d’appropriation:

C’est le fait de s’approprier quelque chose qui appartient à la personne. Exemple : le racket, voler une idée (plagiat) etc.

  • La violence physique :

Plus facilement identifiable, la violence physique comprend tous les gestes qui blessent le corps d’un individu. Gifler, taper, bousculer, mordre, étrangler etc.

              LA RÉPÉTITION

On parle de harcèlement lorsque l’une ou plusieurs formes de violence sont répétées par les mêmes personnes sur une ou plusieurs mêmes personnes.

              L’ISOLEMENT

Ce terme est là pour évoquer les personnes victimes de harcèlement. L’isolement provoqué par la situation de harcèlement n’est pas forcément physique, c’est-à-dire que la personne se retrouve sans aucun lien social. Celui-ci est est plutôt à entendre au niveau psychologique, dans la mesure où le fait d’être harcelé provoque une destruction des ressources. Le harcelé se sent très seul par rapport à sa situation et dans une forme d’incapacité à faire quoi que ce soit.

LES ACTEURS :

Dans la dynamique du harcèlement nous retrouvons 3 acteurs principaux que nous allons identifier.

  • le(s) harcelés
  • le(s) harceleur(s)
  • le(s) témoin(s)

          LE HARCELÉ / LA VICTIME

C’est le harceleur qui crée sa victime et non l’inverse ! Ainsi nous ne pouvons pas définir de profil type de victime. Ce que l’on observe c’est qu’une différence, une particularité qui fait que la personne est cette personne et donc unique, va être prise en cible par le(s) harceleur(s) pour en créer une vulnérabilité chez celle-ci et « instaurer » le rapport de domination.

          LE HARCELEUR 

A la différence des victimes ou des personnes harcelées, nous pouvons trouver chez le harceleur trois profils permettant d’identifier et de mieux comprendre la problématique qui règne autour du harcèlement.

Quel que soit le profil du harceleur, le docteur Maria Ttoffi explique dans l’un de ses ouvrages que « dans tous les cas les harceleurs sont des enfants dans le besoin ».

Ce qu’il faut entendre et comprendre dans cette phrase c’est que chaque individu qui utilise la violence comme moyen d’expression est quelqu’un qui a, quelque part en lui (consciemment ou inconsciemment), une fragilité identitaire et narcissique. Cela veut dire qu’à travers la force et l’agressivité cette personne trouve un moyen de se positionner, de s’affirmer et donc de se rassurer. Ainsi, lorsque l’on reprend la citation nous comprenons plus facilement cette idée de « besoin ».

Comme tous les enfants (et par extension tous les humains car nous avons tous été enfant) nous passons par des étapes de construction de notre identité, de notre image de soi etc. Dans ces phases tout ceci peut être plus ou moins fragile et pour le harceleur c’est par la violence que ces tensions/fragilités vont s’exprimer. En trame de fond on peut entendre cette citation : « la meilleure défense c’est l’attaque »

Il s’agit d’une construction personnelle, intime et individuelle c’est pourquoi il est important de comprendre que la position de harceleur n’est pas dépendante de facteurs socio-économiques spécifiques ni d’une éducation particulière. Le pourcentage d’élèves agressifs est le même dans tous les milieux et niveau de société.

A nouveau, il ne s’agit pas de porter un jugement sur le harceleur ni de le victimiser ou autre. La lecture de ces différents profils permet simplement de mieux comprendre la problématique du harcèlement et par extension amener une réflexion sur soi et sur les moyens d’action que nous avons tous pour pouvoir agir dessus.

Les trois profils sont :

  • les suiveurs
  • les harceleurs harcelés
  • les meneurs

Attention : Ce sont les termes employés sur le site du gouvernement mais ils ne sont pas tous à comprendre au sens littéral.

Pour décrire chacun des profils nous allons partir du profil qui est recensé comme étant le plus majoritaire pour aller vers le plus minoritaire. Bien sûr il s’agit des statistiques concernant le harcèlement scolaire et non relatives à d’autres problématiques.

  • les suiveurs :

Dans la majorité des cas de harcèlement scolaire les harceleurs que nous retrouvons sont appelés les suiveurs. Comme annoncé précédemment, ce terme ne désigne pas seulement les jeunes qui « suivent un groupe » ou qui harcèlent « en groupe ». Ce terme est employé pour définir un profil de jeune harceleur qui dans leur construction identitaire, se sentent fragiles (pas forcément consciemment) et ressentent le besoin de se positionner, de s’affirmer pour se sécuriser. Ce sont en général des jeunes qui ont tellement peur d’être exclus, rejetés ou seuls qu’ils vont se servir des moqueries ou d’autres formes de violence pour être, en quelques sortes, populaires et se rassurer sur eux-mêmes.

Ce sont des jeunes qui ont les capacités d’intégrer que leurs actions peuvent blesser quelqu’un et que cela est grave.

Par contre le fait de sanctionner le jeune sans lui avoir au préalable expliqué ou sans lui avoir demandé « pourquoi il fait ça ? » peut l’ancrer dans une position où il se sent fragile. Par conséquent il continuera d’utiliser la violence comme mécanisme de défense.

Ainsi nous comprenons qu’avec ces jeunes la prévention, la pédagogie et l’accompagnement sur leurs fragilités identitaires seraient les clés pour « éviter » qu’ils tombent dans ce phénomène et soit stigmatisés harceleurs.

  • les harceleurs harcelés:

Pour ce profil le terme harceleurs harcelés est à comprendre littéralement.

Ce sont des jeunes qui se sont déjà retrouvés ou qui sont encore dans une position de victime (dans le milieu scolaire ou périscolaire). Pour eux aussi la violence est utilisée comme moyen de se protéger et de se rassurer. Nous savons tous que la violence présente dans le harcèlement provoque de réelles blessures et ce à tous niveaux pour la personne qui les subi. La douleur peut, lorsqu’elle n’est pas accompagnée, s’extérioriser sur l’autre et donc renverser la position de harcelé à harceleur.

Idem pour ce profil nous comprenons que les clés seraient également de parler du phénomène de harcèlement associé à un accompagnement qui viserait à panser et penser les cassures présentes dans la construction identitaire et narcissique du jeune.

  • les meneurs:

Il s’agit du profil le plus minoritaire recensé pas les statistiques du harcèlement scolaire. On les appelle « meneur » mais attention cela ne veut pas dire « mener un groupe ».

Ce sont des jeunes qui par protection à des événements psychiquement ou physiquement intolérables ont développés un trouble de la personnalité. Pour que cela soit plus clair, il peut s’agir d’un enfant qui dans son enfance à connu de la violence/maltraitance (sous n’importe quelles formes). Nous pouvons, des fois, retrouver dans leur histoire des antécédents familiaux de fragilité psychologique etc.

La violence, la maltraitance arrivées très tôt ou présentes dans le milieu familial constituent, chez ces jeunes, leur seul repères, leur seul modèle d’identification. Ils vont donc la répéter et la reproduire sur les autres.

Ici nous parlons de meneurs, le terme clinique étant psychopathe. Ce trouble de la personnalité engendre des comportements violents avec pour la personne auteur de ceux-ci, l’incapacité d’intégrer la culpabilité. Ces personnes ne sont pas dotées d’empathie et ne peuvent pas comprendre la sanction, ni la loi.

Ces jeunes sont facilement identifiables et repérables ainsi les soins qui leur sont adaptés sont apportés.

          LES TÉMOINS

Ils sont acteurs du harcèlement car par leurs comportements passifs ils renforcent le phénomène.

Du côté du harceleur cela renforce la violence car elle est d’une certaine façon légitimée par le témoin.

Il peut plus ou moins se dire : « Si personne ne dit ou fait quelque chose, cela veut dire que je suis dans mon droit »

Du côté de la victime cela renforce sa dévalorisation car le harcèlement est là aussi légitimé par les témoins.

« Si personne ne me défend ou dit quelque chose cela veut dire que c’est normal et que je mérite ce qu’il m’arrive. »

QUE FAIRE FACE AU HARCÈLEMENT SCOLAIRE ?

Je ne sais pas si vous aussi cela vous a sauté aux yeux mais lorsque l’on regarde les 3 principaux acteurs du harcèlement vous n’avez pas l’impression qu’ils sont assez liés ?

Face à une situation de harcèlement (directe ou indirecte) nous pouvons nous retrouver dans l’une des positions décrites au-dessus, voire dans deux voire dans trois.

En effet, comme la personne victime peut dans certains contextes être aussi harceleuse – le harceleur peut aussi être victime – les témoins sont quant à eux un peu les deux à la fois. Même si ils ne sont pas des harceleurs directs ils sont (nous sommes) violents car rappelons que la négligence, le déni ou autre forme de dénigrement vis-à-vis d’une réalité sont des violences (cf : violence morale). Mais, les témoins peuvent aussi être des victimes du harcèlement car face à cela : comment faire ? Que faire ? Quoi faire ?

C’est par ces éléments et par cette lecture que nous pouvons comprendre que le phénomène du harcèlement scolaire nous concerne et que nous avons tous une part à jouer là-dedans. Que cette part soit apportée au niveau individuel, collectif ou les deux.

Et, concrètement comment faisons-nous ?

  1. LORSQUE LE PHÉNOMÈNE VOUS TOUCHE DIRECTEMENT :

Il y a deux façons d’être touché directement par le harcèlement scolaire. Cela peut être dans l’aspect de la prévention (« mon enfant va à l’école »,  « je suis enseignant », « je suis élève ») ou lorsque le diagnostic de harcèlement est posé (« je me fais harcelé », « mon enfant est harceleur / harcelé / témoin », « mes élèves sont ….» etc …).

Quelle que soit la façon dont cela vous touche il en va de même : PARLEZ-EN !

Ne gérez pas la situation seul, entourez-vous et parlez :

Aux élèves/enfants pour les informer, prévenir ou comprendre leur situation pour les aider, aux personnel encadrants administratifs ou professeurs de l’établissement, aux parents référents, aux professionnels de santé.

  • En France :

Le numéro vert : 3020

https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/

Sur ce site vous trouverez toutes les actions que vous pouvez entreprendre quelle que soit votre situation ainsi que des outils pratiques (exemple : le protocole de l’éducation nationale dans les cas de harcèlement etc.)

  • Si vous êtes dans un autre pays ou que vous vous documentez sur le phénomène :

https://13reasonswhy.info/

Vous trouverez sur ce site tous les dispositifs mis en place dans votre pays pour vous aider dans une situation de harcèlement scolaire.

A savoir « 13 reasons why » est une série Netflix abordant le sujet du harcèlement scolaire

           2. LORSQUE LE PHÉNOMÈNE NE VOUS TOUCHE PLUS DIRECTEMENT :

Ne plus être directement touché par le phénomène du harcèlement scolaire signifie que nous ne sommes plus en lien avec le milieu scolaire et ou les enfants de quels que moyens qu’ils soient (ni parents, ni professeurs, ni éducateurs etc…).

Ici non plus il ne s’agit pas de faire les choses seul mais comme le dit Pierre Rabhi de faire notre part.

Lorsque nous ne sommes plus directement touché notre part sera finalement la même que lorsque nous sommes directement liés à une situation de harcèlement :

En parlez !

D’un côté cette parole pourra nous libérer de l’engrenage du harcèlement scolaire. Et oui car en tant que citoyen nous sommes au fait de ce phénomène et ne pas se sentir concerné, le nier, le négliger ou autre,  l’entretien… (cf : les témoins…)

D’un autre côté ce phénomène peut réveiller et nous questionner sur l’enfant que nous étions. En mettant des mots sur tout ceci  (accompagné par un professionnel de santé) cela nous aidera à mieux nous connaître nous comprendre et nous aider dans notre présent.

                En définitive, le harcèlement scolaire nous concerne bien tous et même s’il ne s’agit pas d’éteindre le feu et donc de faire des grandes choses nous pouvons commencer par prendre notre partie. Parler c’est déjà agir vers notre objectif quel qu’il soit !

Dans cette optique, le cabinet Terre Happy reste à votre écoute, à distance ou sur Lyon 1er. 😉